Transmué sans le diviser

Les recherches du père Stamatis Skliris

Christos Yannaras, Professeur de Philosophie à l'Université Panteios d'Athènes

Les recherches du père Stamatis Skliris ont transformé – transmué sans le diviser – le médecin en théologien, le théologien en prêtre, le prêtre en iconographe et l’iconographe en peintre. Des bonds de rapide maturation qui visent des choix essentiels. Rien n'est laissé au hasard et le tout compose une naïveté unique, pleine de grâce d’exigences enfantines. Ce qui domine toujours dans son itinéraire, c’est une approche tangible des recherches essentielles: le corps humain, le pain et le vin de l'Eucharistie, et ces «remontées vers le prototype», qui procèdent par les couleurs et mènent de la peinture iconographique vers la chair picturale de notre époque.

Je parle de la recherche qui l'a ravi, telle qu’elle est visible dans sa personne. Je n’ai pas compétence pour porter un jugement sur sa peinture. Le combat qu’il mène pour sauver la lumière de l’icône – lumière archétypale – en utilisant des pigments soumis à l’industrialisation de la matière pour la facilité individualiste, peut paraître d’une extrême audace. D’un côté son art semble vouloir déplacer des montagnes, mais de l’autre côté à certains moments artistiques ce combat nous renvoie directement à la sincérité de l’angoisse de Pompéi: tout notre désespoir contemporain dans ce regard exprimé par la technique byzantine des «lumières» devient l’écho de l’espérance placée dans ce qui ne se voit pas. Une Pompéi qui sait et qui veut attendre la Résurrection; des visages qui s’encadrent en marge de la société dans la mansarde parisienne, ou encore la sourde angoisse d’une femme rejetant la violence. Une beauté sensible toujours personnelle, qui nous renvoie à l'altérité.

Je le ressens encore très lié picturalement à sa thématique intellectuelle - piège pour chaque maîtrise acquise. Il choisit volontairement à "s’exprimer", mais l'expressionisme l'empêche. Cependant son émouvant talent est la naïve authenticité de sa nécessité, la sincérité de son combat pour être lui-même dans sa peinture, pour ne pas glisser dans la facilité de l’imitation pathétique d'une monodie byzantine aujourd’hui inaccessible.

Je voudrais qu’un ou deux de ces visages de jeunes filles saisies dans le combat de l'espérance, des visages tels que le père Stamatis Skliris les a faits sortir de son âme, m’emmènent de l’égocentrisme de ma lucarne vers leur lumière iconographique.

From: Père Stamatis Skliris, Itinèraire Pictural, Edition Akritas, 1994